Conférence INSPiration | "Restaurer la confiance"
Présentation des conférences INSPiration
Les conférences "INSPiration" visent à élargir les réflexions des élèves au-delà des enseignements stricto sensu et à leur apporter une hauteur de vue sur les divers sujets à grands enjeux européens, nationaux et internationaux en lien avec l’actualité. Les sujets de ces conférences reflètent les grands défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics, les sociétés et les citoyens.
L’originalité est qu’elles sont conçues et préparées par les élèves eux-mêmes, avec le soutien des équipes pédagogiques de l’INSP.
La conférence INSPiration intitulée "Restaurer la confiance entre l’administration et le citoyen" s'est déroulée le mardi 31 mai 2022 en visioconférence.
Pilier de notre démocratie, la question de la confiance se pose en particulier quand les crises et les réformes amènent les citoyens et les médias à questionner l’efficacité des politiques publiques et à en demander les preuves. C'est le cas aujourd'hui : abstention grandissante aux élections des représentants de la Nation, manifestations massives et durables contre certaines politiques publiques telle que celle des "gilets jaunes", rejet de l’impôt ou encore sentiment d’un creusement des inégalités.
Pour cette conférence, les élèves organisateurs ont donc amené leurs camarades de promotion à réfléchir à la question de la confiance ou de la perte de confiance des citoyens envers les pouvoirs publics, et plus particulièrement aux causes et aux solutions possibles.
Deux intervenants ont été invités à apporter leur éclairage et à échanger avec les élèves de la promotion 2021-2022 :
Frédéric Pacoud
Maître des requêtes au Conseil d’État, actuellement Secrétaire général de la région académique Ile-de-France (académies de Paris, Créteil et Versailles).
L'intervention de Frédéric Pacoud portait sur la question de l’évaluation des politiques publiques.
Vincent Filhol
Magistrat de l'ordre judiciaire, conseiller juridique auprès du directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires Etrangères.
L'intervention de Vincent Filhol portait sur la lutte contre la corruption et son rôle dans la restauration de la confiance des citoyens, du monde des affaires et des Etats partenaires.
Cette conférence a été organisée et animée par Sophia Skrzypec, Persa Nakova et Carin Villemot. Félicitations aux intervenants et aux élèves !
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Introduction générale :
Dans un article intitulé « La confiance dans le secteur public: existe-t-il des signes d'un déclin à long terme ? », Steven Van de Walle, Steven Van Roosbroek, et Geert Bouckaert soulignent que le « débat au sujet de la confiance des citoyens dans le secteur public est caractérisé par des observations éparses, des sondages d’opinions isolés et une absence de perspective historique ».
Ils considèrent ainsi que la perte de confiance des citoyens dans l’administration est faiblement étayée dans les faits et relève davantage de la « perception » que d’une réalité scientifique observée sur le terrain. D’après leurs analyses, « l’idée fausse la plus répandue est que les citoyens ont tendance à avoir une vision de plus en plus négative du secteur public et des services publics en particulier ».
Poser le sujet en ces termes : « restaurer la confiance entre les citoyens et l’administration » revient toutefois à postuler cette perte de confiance. Dans la réalité, qu’elle soit perçue ou réelle, on observe une abstention grandissante aux élections des représentants de la Nation traduisant une certaine désillusion démocratique et le rejet des formes traditionnelles d’expression de la démocratie, des manifestations massives et durables contre certaines politiques publiques, telle que celle des « gilets jaunes », un rejet de l’impôt ou encore le sentiment d’un creusement des inégalités. La mise au jour de scandales au sein des administrations nationale et internationale (affaire Cahuzac en France, Panama papers, démission de la Commission Santer, corruption au sein des organisations de l’ONU), favorisée par les nouveaux outils de communication, et le retentissement de ces affaires dans l’opinion rejaillissent également sur l’administration dans son ensemble. La porosité entre l’administration et le monde politique, ou ce dernier avec le monde des affaires n’est pas sans conséquence sur cette perte de confiance.
Les causes de ce phénomène sont dès lors très variées, et les remèdes qui visent à y remédier tout autant. De la même manière, cette impression d’une perte de confiance entre les citoyens et l’administration n’est pas un phénomène purement français, et s’exprime dans de nombreux pays du nord comme du sud.
Ne pouvant embrasser l’ensemble des causes et des solutions possibles de ce phénomène, nous avons choisi de partir des deux raisons principales de l’aversion des citoyens pour l’administration et pour l’Etat identifiées par les chercheurs cités supra :
- l’inefficacité du secteur public,
- et les scandales politiques impactant la confiance des citoyens dans l’État, s’inscrivant dans le débat plus large de la perte de confiance dans l’État, bien qu’il n’existe aucune preuve empirique attestant d’une augmentation réelle des scandales dans les démocraties.
Présentation de la première thématique :
Pilier de notre démocratie, la question de la confiance se pose en particulier quand les pouvoirs publics ne parviennent gérer les défis qui se présentent à eux. Les crises et les réformes amènent ainsi les citoyens et les médias à questionner l’efficacité des politiques publiques et à demander des preuves de leur efficacité.
En 2007, la publication La Société de défiance de Yann Algan et Pierre Cahuc montrait déjà à quel point la France se caractérisait par un haut niveau de défiance des citoyens vis-à-vis de leurs institutions, et le coût collectif important que représentait cette défiance dans notre fonctionnement. Les attentes à l’égard de l’action publique, que l’on veut toujours plus efficace, rapide et pertinente ne cessent de croître.
Comment la puissance publique peut se donner les moyens d’obtenir les résultats qu’elle pourrait escompter ?
L’évaluation des politiques publiques constitue un des outils qui permet de légitimer l’action publique. Elle a un rôle à jouer pour remédier à la crise de confiance qui affaiblit notre démocratie.
En mettant à jour les effets concrets des politiques publiques, elle peut en effet redonner de la substance au principe de reddition des comptes inscrit à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Conseil d’Etat s’est intéressé en 2020 à cette question dans son rapport « conduire et partager l’évaluation des politiques publique » et a formulé un certain nombre de recommandations.
Intervention de Frédéric Pacoud :
Intervention de Frédéric PACOUD, Maître des requêtes au Conseil d’Etat, actuellement Secrétaire général de la région académique Ile-de-France (académies de Paris, Créteil et Versailles) sur la question de l’évaluation des politiques publiques
- Pourquoi le Conseil d’Etat publie ce type d’étude (rapport « conduire et partager l’évaluation des politiques publique »)
- Définir brièvement l’évaluation,
- Revenir sur l’évaluation en France (points saillants du rapport du Conseil d’Etat)
- Aborder la question du débat public : exemple de la réforme retraite,
- Préconisations pour faire de l’évaluation un outil de débat démocratique (recommandations du rapport du Conseil d’Etat)
- Recommandations pour le parlement : idée que le Parlement soit le médiateur entre les experts et les citoyens, et qu'il parvienne à mieux diffuser l’information
Seconde thématique et intervention de Vincent Filhol :
Intervention de Vincent FILHOL, Magistrat de l’ordre judiciaire, Conseiller juridique auprès du directeur des affaires juridiques au Ministère des Affaires Etrangères, sur la lutte contre la corruption nationale et internationale et son rôle dans la restauration de la confiance des citoyens, du monde des affaires et des Etats partenaires
- Introduction sur l’anticorruption et la déontologie, l’indépendance des secteurs public et privé. Focus sur les affaires, nationales et internationales, et le caractère universel de l’anticorruption (restitution aux populations des avoirs russes),
- Circonscrire « en juriste » ce qui a trait à la confiance dans les conventions internationales (Merida, OCDE, GRECO),
- L’anticorruption comme réponse aux crises géopolitique : la confiance des citoyens et l’influence par le droit, l’administration et l’Etat qui portent les valeurs démocratiques et éthiques, le rôle des administrations nationales et européennes (pluralisme des médias, indépendance du système judiciaire, l’exemple de la Pologne),
- Cas pratique : Comment l’impact du monitoring sur les réformes anti-corruption crée-t-il un standard au niveau international, favorisant la confiance des entreprises dans l’économie et ses répercussions sur le tissu économique et les citoyens dans leur ensemble,
- La confiance citoyenne et la confiance entre Etats : le rôle des institutions internationales, la confiance dans la coopération judiciaire et administrative (loi de blocage) et la capacité de l’administration à protéger les citoyens et les entreprises, exemples du PNF et de l’AFA, autorités puissantes et respectées dans le cadre international.